Evocation...
Au moment de célébrer le centenaire de la naissance de Klaus Huber, un de nos compagnons de route de la fin du siècle dernier à sa mort, l’assignation qu’il donne à la musique d’une capacité d’ébranler les consciences revêt aujourd’hui une acuité bien particulière, face au recul inquiétant et généralisé de l’appétence pour la culture, la fascination béâte pour l’insignifiant et la tentation du repli sur soi. En forme de leg, Klaus Huber nous trace la voie en nous invitant à construire une nouvel et large horizon artistique, à utiliser comme modus operandi une introspection exigeante et permanente, pour pénétrer à l’instar de Giacinto Scelsi et son ami Luigi Nono, dans la profondeur à la fois du Temps et du Son, mais aussi « pour trouver quelque chose comme une identité dans notre propre culture, et celle qui nous entoure » dans un monde où l’uniformisation culturelle et le multiculturalisme a tendance à supplanter un vrai dialogue ouvert, curieux mais aussi distancié et donc infiniment plus respectueux des individus et de leur singularité.
Brice Pauset dit de Klaus Huber que tout lui parle dans la pensée et l'approche musicale car partageant avec lui, sans doute avec quelques nuances, l’intuition que les engagements (distincts) envers la politique et envers la didactique de la composition sont étroitement mêlés. Pour Aurélien Dumont la rencontre avec Klaus Huber fut déterminante, disant y avoir trouvé de fascinantes pistes de réflexion en résonnance avec ses préoccupations. Ils sont les compositeurs d’oeuvres nouvelles écrites pour une formation très «huberiennes», et créées pour la circonstance.
C’est ce même dialogue que la tournée au Maroc Oriental, portée par l’Institut Français d’Oujda, ambitionne de mettre en oeuvre au travers de musiques composées comme l'oiseau chante comme Ibn Khaldun le dit dans son Art de la poésie, et données ici à voir au travers de la geste picturale et virtuose du peintre et performer Jacob Reymond.
Enfin, Après son opéra Strafen (les Châtiments), Brice Pauset revient sous une toute autre forme à l'œuvre protéiforme de Franz Kafka, cette fois-ci à travers le riche legs de courts textes écrits dans le périmètre des récits formant la Trilogie des châtiments . Suite de vingt-cinq épisodes de durées et de distributions instrumentales et vocale très variées, cette nouvelle œuvre intitulée Kafka-Satellites explore également les rapports souvent sous-estimés entre les textes de Kafka et le cinéma de l'époque dont il était un friand spectateur.
Dans nos béances
Nos abîmes
Nos miroirs déformés
Laissons l’ajour
La brèche
Le passage
L’échappée
Pour nos mains ouvertes à nos différences
Monique Mesplé-Lassalle (Sur la Gamme d’une sourate éditions Sarrazines)
Ces mots ne sauraient mieux résumer notre état d’esprit pour cette nouvelle saison.
Jean-Luc Menet