CRÉATION...
Créer, c’est recomposer l’univers. Ce qui importe c’est
notre aptitude à y entrer, à nous l’approprier, à
lire derrière chaque signe, chaque son.
Créer, c’est aussi l’expression d’une pensée
qui, si elle ne s’incarne pas dans une forme et ne se cache pas derrière
elle, ne peut pas être considérée comme la pensée
d’une vraie oeuvre. Voilà pour le fond.
Quant à la forme, un étroit travail de coopération et de création réalisé dans la durée avec une sélection de compositeurs couronné par un enregistrement discographique est le modus operandi suivi par l’Ensemble Alternance, donnant ainsi naissance au fil du temps à un corpus discographique conséquent.
C’est dans cet élan que s’inscrivent deux nouveaux enregistrements
discographiques structurant la prochaine saison: le premier consacré
à la musique de Ricardo Nillni est à paraître
début 2021 avec au programme notamment «Surfaces malerisch»
et «More geometrico», deux oeuvres créées en novembre
à Paris dans le cadre d’un concert portant le titre éponyme
de l’ouvrage de Jean-Noël von der Weid: «Le flux et le fixe,
musique et peinture», qui invite à une mise en correspondance
entre deux domaines d’expression au travers également des «Trois
Préludes: Omaggio Cy Twombly, Ritualis Vincent van Gogh, in memoriam
Jackson Pollock» de Philippe Schoeller.
Le second, «Columbia on the move», réunit à la fois
sur la scène et sur un disque gravé en mars 21, quatre compositeurs
américains: Alex Mincek, Eric Wubbels, Mario Diaz de Leon et
Askhan Bezhadi. Ils se réunissent sous un double dénominateur
commun, celui d’être à la fois interprètes et compositeurs
et d’être issus des rangs de l’Université Columbia.
Leur éclectisme stylistique témoigne de la vivacité de
la création musicale new-yorkaise.
La musique est un art du sensible. Les émotions n’ont aucun goût
pour l’ordre établi. Au contraire, telles de minuscules particules,
elles voltigent librement, flottant à l’aventure et à
jamais vacillantes. Cette volatilité naturelle fait finalement écho
à un horizon très incertain au sens où semble remis en
question le double paradigme selon lequel l’artiste est aussi mobile
que l’oeuvre qu’il crée et que nous sommes le produit de
nos échanges et de nos déplacements.
Alors puisons dans l’humour aussi joyeux que grinçant
de John Cage: «La situation étant désespérée,
tout est maintenant possible…», force et espoir pour servir la
création musicale qui porte en elle quelques soient les circonstances
et les contraintes du moment, le pouvoir d’enchanter et de gommer les
frontières.
Jean-Luc Menet
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Photographies : Eric Wubbels, Alex Mincek & Mario Diaz de Leon
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